De l'auto édition à l'édition : on vous raconte

Jean Luc Robert a consacré sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes. Après un premier cursus qui devait l'amener à exercer le métier de comptable, il décide d'orienter sa carrière vers les sciences humaines. Plus particulièrement il s'intéresse à l'autisme et en en avril 2016, il publie : "Ma vérité sur l'autisme", un essai apportant un regard nouveau sur les pratiques professionnelles au sein des institutions, ainsi que sur l'expression des troubles autistiques et les méthodes de prise en charge, à cette époque où la psychanalyse est tant controversée. 

Aujourd'hui il est édité chez Dunod et nous avons pu l'interviewé sur son parcours, de l'auto édition à l'édition.

Quelques questions pour débuter, parce que chez Iggybook on est curieux de connaitre le rapport des auteurs avec l’écriture.

  • Être écrivain, pour vous, c’est plus un métier ou une passion ?

Ecrire a toujours été un plaisir et une nécessité. Je me rends compte aujourd’hui que l’écriture prend de plus en plus de place dans ma vie parce que j’y consacre plus de temps d’abord, et parce que c’est pour moi devenu indispensable ensuite. Avec l’écriture, va aussi une démarche d’étude et de recherche (lecture et réflexion) qui épouse parfaitement mon identité professionnelle de psychologue clinicien. Ecrire éclaire ma pensée.

  • Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire des livres ?

Une volonté de plus en plus précise de dénoncer et d’alerter. Une farouche envie de vérité ainsi qu’une volonté de ressembler mes idées en un seul endroit. Et puis écrire a indéniablement sur moi un effet cathartique au sens littéral décrit par Aristote. Il y a comme une épuration des passions m’animant par le canal artistique qu’est l’écriture, me libérant ainsi de certaines émotions et éprouvés qui autrement auraient pu devenir envahissants. Avec l’écriture, ils sont consignés quelque part dans un bouquin qui devient l’objet le plus précieux qui soit. Je peux alors regarder mon livre avec sérénité et me dire : « tout est là et sera là pour toujours ».

  • Où écrivez-vous ? À quel moment de la journée ? Combien de temps consacrez-vous à l’écriture ?

Etant en perpétuel mouvement, j’écris dans tous les lieux publics où je me trouve, et à tout moment de la journée. Je peux donc être dans une bibliothèque, dans un restaurant ou dans une salle d’attente, et me mettre à écrire. Je n’aime pas écrire sur mon lieu de travail (cabinet) ou à mon domicile. Je n’aime pas écrire en me trouvant dans un univers statique. Par exemple écrire dans un avion ou dans un TGV est une situation très plaisante pour moi et qui facilite grandement ma créativité. Et pour répondre à votre dernière question, je pense bien passer deux heures à écrire par jour au minimum (comptes-rendus et articles).

  • Travaillez-vous sur ordinateur ou sur papier ?

Sur ordinateur. Mon PC ne me quitte pas. Mais j’ai toujours un petit bloc-notes au cas où je ressentirais l’envie pressante d’écrire quelque chose.

  • Quel est votre livre préféré ?

Je ne peux pas choisir. Je peux juste dire que je suis très difficile et que beaucoup de livres sont pénibles à terminer pour moi. Je n’aime pas m’ennuyer en lisant.

Vous avez débuté par l’auto édition, sur notre plateforme Iggybbok et aujourd’hui votre ouvrage Ma vérité sur l’autisme, est publié chez Dunod Edition. Un rêve pour beaucoup d’auteurs. Voici une série de questions pour comprendre votre parcours si vous le voulez bien.

  • Pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’autoédition ?

Parce que dans un premier temps, les maisons d’édition disaient trouver mon livre intéressant mais je les sentais craintifs, trouvant toujours un prétexte pour repousser la date de la publication. Je pense qu’elles prennent toujours un risque assez important à éditer un auteur inconnu pour la première fois, et que ce risque n’est pas évident à prendre. On peut comprendre que logiquement, elles préfèrent éditer un auteur apportant certaines garanties.

  • Quels avantages y voyez-vous ?

L’auto-édition comprend de nombreux avantages pour un nouvel auteur :

  • On a principalement une liberté totale :
    1. en matière de création (couverture, 4ème de couverture, contenu),
    2. mais aussi de stratégie commerciale (fixation des prix, contenu des campagnes publicitaires via les réseaux sociaux…),
    3. ainsi qu’en ce qui concerne les modifications (couverture et contenu) que l’on peut apporter à tout moment (ceci n’est pas un luxe car j’ai appris qu’une œuvre avait besoin de multiples peaufinages avant sa version définitive, et qu’un livre peut être publié trop rapidement. Avec un éditeur traditionnel, il y a forcément une certaine lourdeur lorsque l’on veut procéder à des changements puisque le tirage se fait à plusieurs centaines d’exemplaires. Avec l’auto-édition, rien n’est imprimé à l’avance, ce qui fait que l’auteur peut publier sans crainte de s’être précipité, et modifier/améliorer son livre régulièrement s’il le souhaite, en ayant l’assurance que le prochain livre vendu (en ligne ou en format papier) contiendra les changements qu’il a opérés.

Quelles en sont les limites selon vous ?

Les limites concernent essentiellement la visibilité, qui si elle est déjà intéressante via les plates-formes numériques, n’est pas aussi étendue que celle offerte par une maison d’édition comme Dunod, qui comprend une équipe de professionnels qui savent œuvrer pour mettre votre livre en librairie, mais aussi pour vous rendre visible auprès des médias susceptibles d’être intéressés par votre ouvrage. L’auto-édition demande à l’auteur un savoir faire qui peut prendre beaucoup de temps à acquérir et une certaine énergie. Il faut par exemple savoir créer son réseau (les réseaux sociaux, les bons contacts etc…), ce qui est loin d’être évident. Je pense que beaucoup d’auteurs ne savent pas par où commencer et espèrent qu’un buzz arrive en mettant simplement leur livre sur les plates-formes numériques, mais cela est rare. Je crois qu’en la matière, une bonne communication est indispensable pour qu’un livre auto-édité notamment, puisse avoir sa chance et générer des clics, puis des achats.

  • Quel avantage voyez-vous à être aujourd’hui publié par Dunod ?

Une visibilité certainement décuplée. Un crédit donné à mon ouvrage (aux yeux du public et des médias) qui fait que mon propos est davantage considéré. J’ai déjà des retours auxquels je ne m’attendais pas, et que je n’aurais pas eus sans cette publication chez Dunod.

  • Et que conseilleriez-vous à un jeune auteur avant de se lancer ?

De se créer un réseau solide et abondant. Je ne crois pas au mythe de l’écrivain isolé qui se contente de mettre son livre sur le net et qui voit des milliers de lecteurs affluer vers lui.

  • Vous êtes désormais publié par une maison d’édition classique. Comment avez-vous été approché ?

Mon responsable éditorial m’a approché par e-mail après avoir découvert l’existence de mon livre sur internet.

  • Être un auteur auto édité c’est décider soi-même de ses choix éditoriaux. Le fait d’être publié par un éditeur classique comme Dunod a-t-il changé quelque chose à cela ?

Oui en effet. Mais je découvre qu’un éditeur comme Dunod est très à l’écoute des auteurs. J’avais imaginé que l’auteur n’avait jamais son mot à dire, et ceci était aussi un frein pour aller vers un éditeur classique. Au final, mon éditeur a été patient et à l’écoute. J’ai la certitude que son expertise a même été une aide pour faire ressortir le meilleur de mon œuvre. Il est aussi intéressant d’écouter les conseils de personnes qui connaissent les ficèles. Ma crainte était de perdre quelque chose, ma liberté entre autres, mais vu de l’intérieur aujourd’hui, je n’ai plus cette crainte. Je crois qu’il faut avoir confiance en son écriture et se dire qu’on obtient cette liberté par le lecteur et non par l’éditeur. J’entends par là que c’est lui qui décide au final d’acheter ou non votre livre. S’il achète votre livre, alors il vous ouvre la voie royale vers la liberté.

  • Voyez-vous l’autoédition comme un marchepied vers l’édition classique ou est-ce encore autre chose ?

Lorsque j’ai écrit mon livre : « Ma vérité sur l’autisme » et que je pris la décision de l’auto-publier, je ne voulais plus entendre parler des éditeurs classiques. Je peux même vous dire que je n’aimais pas cet univers que je considérais injuste envers les auteurs « talentueux » qu’ils ne prenaient pas la peine de faire connaître (risque trop important). Une entreprise doit faire des bénéfices, mais dans cet univers créatif, j’ai toujours voulu croire naïvement que le talent devait toujours avoir sa chance. Je détestais lire des livres indigestes et mal écrits par des auteurs n’ayant aucune plume, mais publiés par les plus grandes maisons parce qu’ils étaient les fils et les filles de quelqu’un, ou parce qu’ils avaient été médiatisés suite à un événement quelconque. Pour moi, les maisons d’édition avaient fini par se résumer à ça.

Donc pour répondre à votre question, je n’ai pas pensé au départ un seul instant que l’auto-édition serait un marchepied vers l’édition classique. Au contraire, j’avais une revanche à prendre sur l’édition classique et je me faisais un plaisir d’exister en me passant de leurs services.

Aujourd’hui, j’ai bien entendu mis un peu d’eau dans mon vin, et réalise que l’auto-édition a agi pour moi comme un marchepied salutaire. Même si, utopiste, j’aimerais que les maisons d’édition aillent plus vers les talents pour l’amour de leur métier, de l’écriture, et moins vers la facilité. Mais je peux comprendre aussi que la réalité d’un marché de plus en plus concurrentiel fasse qu’ils n’ont pas le choix.

Un dernier mot pour la fin ?

Je suis heureux de pouvoir partager mon expérience avec les auteurs d’Iggybook. Je reste ouvert à leurs questions ou à leurs remarques. Ils peuvent m’écrire via votre plate-forme ou directement sur jeanlucrobert.fr. Je me ferai un plaisir de leur répondre.


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