Mélanie Talcott : « Pour moi, écrire, c’est s’impliquer. C’est engager l’autre »

Après avoir vécu cinq ans à Pondichéry, Mélanie Talcott nous entraine, sous couvert de fiction, à la découverte de faits et de personnages malheureusement bien réels, dans une Inde éloignée des clichés.

Avec Goodbye Gandhi, elle participe à la rentrée des Indés, la rentrée littéraire des auteurs autoédités.

Goodbye Gandhi se situe en Inde dans un contexte difficile de violence, de pédophilie, de corruption. Pourquoi avoir choisi d’aborder ces thèmes ?

J’ai vécu cinq ans en Inde, à Pondichéry, là où se passe ce roman. Pendant ces années, j’ai été confrontée à des situations sur lesquelles en général, on fait profil bas. Quand le sujet devient par trop gênant, je parle ici du tourisme sexuel et de l’exploitation d’enfants dans ce but, il est rapidement évacué et par le politique, et par le religieux ou l’humanitaire. C’est de cela que parle Goodbye Gandhi, l’histoire d’une bande de gosses indiens qui incarnent de nombreux mômes dans le monde. En général, tout ce que j’écris est basé sur une réalité vécue ou observée que l’imaginaire transcende ensuite. Cette attache au vécu est importante à mes yeux et peut rendre la lecture de mes livres plus difficile, ou plus exactement, inconfortable. Ce qui est raconté, sous couvert de fiction, dans Goodbye Gandhi, est malheureusement bien réel. Certains protagonistes sont des êtres de chair et de sang. D’autres sont la synthèse de différentes personnes. Et malheureusement, Monique Duchemin et son horrible réseau sont bien le fruit de faits véridiques. Seule sa mort est pure fiction.

Pourquoi Goodbye Gandhi ?

Pour une fois, j’ai pratiquement trouvé le titre en commençant l’écriture du livre. La plupart des Occidentaux ont une vision complètement erronée et artificielle de l’Inde. Je n’y ai pas échappé ! L’image fantasmagorique que nous avons de ce pays et de sa culture est un embrouillamini d’idées toutes faites et de clichés, édulcoré de quelques mythes made in Occident. En vrac, le nirvana, le Kama Sutra, Gandhi ou Mère Teresa… Entre Gandhi et le Kama Sutra, on s’imagine ainsi un peuple non violent et très sensuel. Or, les Indiens ont un rapport particulier au corps. Par exemple, du moins au Tamil Nadu, lorsqu’une personne est malade, elle ne dit pas : « je suis malade », mais : « mon corps est malade ». C’est un rapport distancié où toute sensualité est exclue. Souvent, les Indiens prennent leur douche tout habillé (en raison également du mauvais œil), l’homme gardant son lungi et la femme, le jupon de son sari. De même, vous verrez très rarement, voire jamais, un couple se tenir la main, et encore moins s’embrasser, en public. Et pour en revenir à Gandhi il fut un produit de la culture hégémonique anglo-britannique et fit preuve d’une grande habileté à comprendre quelle était l’Inde à laquelle l’Occident avait besoin de s’identifier, bien qu’à sa façon singulière, il en désira complètement une autre ! Pour Gandhi, force lui fut faite de passer par le nationalisme pour arriver à l’internationalisme et à ses yeux, il n’y avait pas de contradiction dans son éloge de la non-violence si pour atteindre la paix, il faille d’abord livrer la guerre. Aussi étonnant que cela puisse nous paraître, la plupart des Indiens n’apprécient guère ni Gandhi, ni mère Teresa.

Vos livres sont engagés, vous écrivez dans le but de transmettre un message.

Pour moi, écrire, c’est s’impliquer. C’est engager l’autre, poser des questions qui nous concernent tous, tout en sachant que les réponses ne peuvent être qu’approximatives. Mais je ne suis pas dans le pathos de l’écriture, de celui qui fait dire à certains auteurs : si je n’écris pas, je meurs ou qui travestissent en torture quotidienne le fait d’écrire… ou pas. J’ai commencé par lire, très jeune, de tout et dans le désordre et je continue ! Et toujours dans le désordre, j’ai voyagé, j’ai vécu, je me suis arrêtée, je suis repartie and so on…

Aujourd’hui, on est dans la vulgarisation de l’écriture, dans la culture du bestseller, du coup littéraire. Le travail d’auteur devient très marketing. Certains auteurs reconnus (souvent du fait du chiffre de leurs ventes, plus que de leur talent) ou non, écrivent de plus en plus en fonction des fantasmes du lectorat. Cela donne des bluettes innommables ou des nanars consternants ou des pavés sexuels. Je ne pense jamais au lecteur quand j’écris. C’est entretenir une autocensure insidieuse. Je ne considère pas le livre comme un produit de vente conçu pour satisfaire les attentes du consommateur. Je ne suis pas non plus dans une recherche égotique de reconnaissance. On me fait souvent la remarque que mes livres sont durs. C’est vrai. Mais ils sont également tendres. Je suis incapable d’écrire des romances à l’eau de rose. Si j’écris, c’est parce que j’ai quelque chose à dire et à partager.

Vous connaissez bien le milieu de l’édition, pouvez-vous nous parler de votre expérience et de votre décision d’auto-publier ?

Actuellement, le système éditorial traditionnel en France est déconcertant, il souffre d’un manque évident de disponibilité et de curiosité, voire parfois même de professionnalisme. Il est très difficile d’être publié, bien que l’on nous rabâche que le manuscrit arrivé par la poste a autant de chance que celui présenté par un copain du copain de l’éditeur… ou dont l’auteur appartient au cercle adéquat du milieu germanopratin. Sans parler des manuscrits qui s’égarent comme cela m’est arrivé trois fois avec celui de Goodbye Gandhi. En outre, la durée de vie moyenne d’un bouquin est de trois mois avant, faute de succès, de finir au pilon. Ce qui laisse peu de possibilités à un bouquin lambda d’être découvert, dans notre société de zapping compulsif.

En France, on voit l’auteur comme un artiste torturé avec un pathos exacerbé. Je me sens beaucoup plus proche de la vision anglo-saxonne qui voit l’auteur comme un professionnel. C’est comme ça que je perçois mon activité d’auteur, une sorte d’artisan de l’art. Dans ce contexte, l’autoédition m’a semblé plus en adéquation avec mes attentes. Ajoutez à cela le fait que je suis quelqu’un de très indiscipliné, le choix a été fait. L’autoédition me donne de la liberté, je suis maître de mon propre navire.

Goodbye Gandhi est disponible sur le site de Mélanie Talcott, en version numérique, à 3,99 €

À propos de la Rentrée des Indés :

Pour la première fois cette année, en écho à la rentrée littéraire orchestrée par les éditeurs, 40 auteurs autoédités se réunissent pour s’offrir une visibilité inédite pendant tout le mois d’octobre et toucher de nouveaux lecteurs.

Épaulés par Iggybook.com (la plateforme des auteurs indépendants), Actualitte.com (le magazine des univers du livre) et Babelio.com (la première communauté de lecteurs francophones), ils lancent LA RENTRÉE DES INDÉS 2015.

Découvrez-les sur le site de la Rentrée des indés 


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