Entretien avec René Paloc à propos de son nouveau roman Les secrets murmures du vent des drailles

Décrivez Les secrets murmures du vent des drailles, en trois mots seulement.

En trois mots : ruralité – tradition – famille.

Parlez-nous de l’univers que vous avez créé dans votre livre.

L'arrivée d'un « étranger » dans un canton où la coutume passe le droit ne va pas sans poser problème, notamment lorsque – sans sortir du cadre de ce que les lois permettent – le nouvel arrivant soucieux de bien marquer sa différence, chamboule les habitudes locales en modifiant l'environnement et en clôturant ses biens, ce qui prive les autochtones d'une partie de leur joie de vivre en liberté.

À travers l'exemple, le malaise se répercute jusqu'au sein des familles jusque-là respectueuses des traditions, les jeunes n'acceptant plus la sévérité d'un ordre qui fait la part trop belle aux anciens. D'incidents en chamailleries, les situations se compliquent, avec toutes sortes de conséquences qui polluent la vie de tous, y compris celle d'un brillant étudiant en médecine, qui voit ses espérances mises à mal par un patron soucieux de son prestige et d'affirmer sa qualité de mandarin.

Car au fil des querelles naissent des rivalités et resurgissent des affaires jamais définitivement réglées, sous l'œil apparemment bienveillant du « pastourel »,  sorte de mage-guérisseur qui affiche une force tranquille et détient la clef de pas mal de secrets, dont la révélation permettra un retour à la paix et à la liberté.

L’histoire se déroule dans les Cévennes, est-ce une façon pour vous de rendre hommage à votre région ?

Tout cévenol qui se respecte ne manquera jamais l'occasion de rendre hommage au pays qui l'a vu naître. La Cévennes – appellation qui marque encore davantage l'originalité de la région – est un pays aux visages multiples, traînant une longue histoire de drames  qui ont rendu ses habitants accueillants pour les proscrits de tout acabit, justement en raison des persécutions qu'ils ont subies. Un pays où les gens s'accrochent à leur terre, maigre, avare, mais qui les irradie d'une force aussi inexplicable qu'insoupçonnée. Des hommes et des femmes pour qui la liberté de pensée, conquise de haute lutte, devient une règle qui passe avant toute autre considération. Il suffit de leur interdire pour qu'ils entreprennent. De les menacer pour qu'ils prennent les armes. De tenter de les contraindre pour qu'ils se révoltent. Une véritable obsession de liberté les conduisant à penser en dehors de toute contrainte, en réfutant au besoin les principes et les dogmes. 

Sur ce coin de terre demeurent des réalités, des évidences qui font loi bien que n'ayant parfois aucun rapport avec la logique et pas davantage avec le raisonnement. Il reste encore un fond de connaissance qui échappera toujours  à l'entendement de ceux qui ne jurent que par le rationnel. Ceux qui campent sur leurs certitudes d'hommes savants n'expliqueront jamais pourquoi la simple imposition des mains accompagnée d'un discours adressé à nul ne sait quelle puissance, conjurera les plus graves brûlures,  ou mieux, les morsures de vipères ? Enrayera la progression d'un zona ? Coupera court à l'évolution des verrues ? Guérira d'une coqueluche ? Effacera les conséquences d'une vilaine rougeole ? Tout cela du fait d'une personne que rien ne distingue des autres. Parfois inculte, voire simple d'esprit, capable, en outre, de délivrer ceux qui se sentent victimes du « mauvais œil », sentiment faisant référence à bien des situations qui se traitent sur le divan des psychiatres – et dont on dira tout simplement qu'elle a « le don » – cette capacité de guérir, cet art totalement ignoré de ceux qui se prétendent instruits, qui tiennent le « mauvais œil » pour une absurdité provinciale tout en reconnaissant que les phénomènes d'envoûtement puissent exister.  Un don qui se transmet sans que l'on sache en fonction de quels critères. Ni comment.

La Cévennes, ce sont des paysages à couper le souffle, lorsque la terre exprime sa force tellurique à travers le bleu métallique de ses roches, tandis que l'ocre ensanglanté de ses veines se met à courir au ras du sol. Un pays qui vous bouscule l'âme, pour peu qu'au crépuscule on se laisse bercer par les chants pâmés d'orgueil, de tendresse et d'amour, qui coulent en cascade au moment où le monde des êtres et des choses bascule dans la nuit.

Parlons de vous : depuis quand écrivez-vous ? Comment vous est venue l’envie d’écrire ?

L'écriture a d'abord été une manière de me convaincre que j'existais, pour devenir ensuite une sorte d'exutoire en face des contraintes trop souvent jugées arbitraires (voir ce qui précède)  imposées parce qu'il fallait en passer par là, faute de se couper de la société pour devenir un paria. Plus tard, il m'a semblé intéressant de laisser  un témoignage, de participer  la transmission d'une culture de terroir (coutumes, langage, expressions locales...) sans avoir la prétention de transmettre un message. À preuve l'éclectisme de mes propos qui vont de la cuisine à la chasse, en passant par le folklore local et la tradition. Plus tard, confronté aux aléas d'un destin pas forcément aimable, l'écriture m'a poussé à recourir à ma plume comme première médecine d'une âme en détresse.

Quelle a été votre source d’inspiration, l’événement qui vous a poussé à écrire cette histoire ?

Cette histoire entre dans le cadre d'un besoin d'exprimer ma différence. Elle est née du souvenir d'une initiative prise lors de la fameuse affaire du camp du Larzac (« faites labour pas la guerre ») dont j'ai longuement traîné des conséquences funestes, mais dont je conserve la nostalgie.

Une dernière question : avez-vous d’autres projets d’écriture ? 

Quand on est bavard, on a toujours envie de raconter encore quelque chose. C'est en route.

→ En savoir plus sur l'auteur, René Paloc
→ Découvrir Les secrets murmures du vent des drailles


Partager