Entretien avec M. TUTTLE sur son dernier roman : "J'irai voter pour Bourbaki"


J'irai voter pour Bourbaki est un roman de politique-fiction qui nous entraîne dans une incroyable aventure démocratique sur les traces de Lana et Aurélien. À l’approche des élections de 2017, toute une génération cherche à donner du sens à la politique. Et si chacun d’entre nous pouvait participer au pouvoir ? Une utopie… peut-être pas si folle.
 



Bonjour M.Tuttle, dans votre roman, vous imaginez une démocratie dans laquelle internet donne la parole et le pouvoir à chacun. 

C’est cela. L’idée de départ est que le peuple se réapproprie la démocratie, son destin en se posant en même temps les questions et en y répondant, dans un procédé itératif, interactif. Internet n'est que l’outil qui permet cela. C’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui dans d’autres domaines que la démocratie, à travers notamment les réseaux sociaux, pour le meilleur et parfois pour le pire mais c’est le prix à payer.

Pour en revenir à la démocratie, on a tendance à croire qu’il n’existe que celle que l’on connait, la démocratie représentative. En réalité, il en existe plusieurs formes. À nous de choisir un système de décision qui nous convient le mieux, en fonction des circonstances. Fondamentalement, la politique doit ou devrait être au service du peuple, du plus grand nombre, du bien commun. La démocratie, quelque soit la forme doit permettre l’émergence d’un système de décision qui favorise Fondamentalement toujours, la vraie démocratie c’est le peuple qui décide, pas le peuple qui obéit. Cela peut faire peur, mais c’est en prenant les citoyens pour des personnes adultes et responsables qu’ils agiront de la sorte, pas en les infantilisant. Je suis persuadé que c’est en leur donnant du pouvoir (de décider ensemble) et donc des responsabilités qu’émergera une pensée éclairée, et que l’on s’écartera de l’obscurantisme politique. Cela prendra du temps, cela se fera par étape mais c’est a bonne direction, c’est même le seul chemin pour donner un futur à ceux qui nous suivent.
 

Comment avez-vous eu l'idée d'aborder ce thème ?

Cela fait longtemps que je constate amèrement qu’une grande partie de nos représentants ne sont au niveau requis pour les enjeux de société. Comme tout le monde, affligé d'entendre à longueur de journées des querelles de chefs de partis, des querelles partisanes, que les journalistes relayent pour en faire leurs choux gras. En plus d’être immatures, ils jouent avec le feu et sont irresponsables. Après, je ne suis pas dupe, les citoyens eux-mêmes sont co-responsables de ce qui leur arrivent, ce sont eux qui élisent leurs représentants et ce sont eux qui consomment les news. C’est un cercle vicieux qui s’est enclenché depuis bien longtemps et qui s’est accéléré avec les nouvelles technologies.

On peut croire que les hommes politiques vont changer, que les journalistes vont changer, c’est possible même si je n’y crois pas ou plus. Le mieux est encore de faire confiance au citoyen. De mon point de vue, lui seul peur enclencher  un cercle vertueux si on leur en donne les moyens.

La démocratie directe, participative ne sort pas du chapeau et ce n’est pas un concept récent. Sous la République Athénienne, elle était même très utilisé. Puis elle a disparu des radars, notamment car on nous a fait croire que la démocratie représentative était le seul système possible. La démocratie directe et participative, dans le sens où elle fait appel à l’intelligence de l’être humain, peut être plus performante que la démocratie représentative pour répondre aux enjeux de sociétés. Encore une fois, cela ne pourra fonctionner que par étape, avec des gardes fous mais c’est la bonne direction.

La révolution technologique a notamment permis 2 choses fondamentales pour faire revivre cette forme de démocratie participative à savoir la réduction des coûts d’information et la décentralisation des centres de décision. Depuis plusieurs années, on assiste à un véritable renouveau de cette forme de production de décision (budget participatif…), il existe dorénavant une littérature abondante sur le sujet, mais il s’agit trop souvent d’essais écrit dans un jargon technique qui ne parle pas à tout le monde. Je voulais que cette forme de démocratie entre dans tous les foyers et notamment parmi les jeunes. Le roman, par la narration et l’identification aux personnages permet de faire passer le message différemment.
 

Quelle a été votre source d'inspiration, l'évènement qui vous a poussé à écrire ce livre ?

En dehors des essais, articles et autres émissions consacré à la démocratie participative, ce qui m’a vraiment poussé à écrire ce livre est l’élection présidentielles à venir. Je me suis imaginé un 1er tour avec Hollande/Sarkozy/Le Pen. Même si 2 d’entre eux ne seront pas présent au 1er tour, cette caste d’hommes politiques de métier ce que appelle généralement le système, doit laisser la place à un autre système, plus ouvert, plus aéré, plus citoyen. Cela n’est pas grave qu’il y a ait des hommes politiques de métier, ce qu’il est c’est qu’il n’y est que cela. Les Le Pen font totalement partie du système contrairement à ce qu’il revendiquent.

À coté de constat politicien, on ne peut que constater les dégâts des politiques menées par nos soit-disantes élites. Toujours plus de clivage, toujours plus d’inégalités, toujours plus de désastres écologiques et sanitaires.

Sans tomber dans un discours sur la lutte des classes, le pouvoir est accaparé par un (trop) petit nombre d’individus. C’est vrai en France et partout dans le Monde. Si ils trouvaient des solutions, on pourrait l’accepter mais rien n’est moins vrai et on doit pas laisser la place à de nouveaux Trump.

Pour en revenir à la France, je suis persuadé que le prochain président sera mal élu, pas seulement parce que c’est tel ou tel candidat, mais parce que le système représentatif, médiatisé crée plus de dissension, de clivage qu’il n’y en a en réalité. Comment gouverner ensuite ? Par ordonnance, par 49-3, la belle affaire… Non, il nous faut nous accorder sur un minimum et ensemble envisager notre futur, ce que nous voulons.
 

Quel message avez-vous envie de faire passer à travers votre livre ?

Le premier c’est que nous pouvons imaginer une autre forme de démocratie. Nous le devons même car la démocratie représentative ne permet plus de répondre aux enjeux que nous devons affronter.

Les autres messages sont des des alertes. Evidemment le danger écologique qui nous guette. Sans tomber dans le catastrophisme, il y a urgence. On ne se rend pas compte qu’on a qu’une seule planète et qu’on ne pourra rien faire si elle s’emballe.

Il y en d’autres qui sont juste derrière et qui mettent en péril nos civilisations comme la répartition très inégale des richesses, le capitalisme technologique qui a tendance à s’immiscer dans nos vies privées et à nous rendre esclaves ou encore les discours xénophobes, homophobes et  mysogines de certains dirigeants.

Heureusement, ces messages négatifs sont contrebalancés par d’autres plus positifs.

Nous vivons une nouvel ère. Bien sûr la technologie, pour peu qu’elle soit maîtrisé et au service de l’être humain est un formidable outil pour échanger. Nous avons conscience que nous sommes interdépendants, pour le pire et aussi pour le meilleur. Surtout, je crois beaucoup dans la jeune génération, la génération des millenial. Un grand nombre d’études montrent qu’il y a des valeurs communes dont le fait d’appartenir à un même monde. C’est la base d’un nouvelles humanité. Les jeunes ont un rôle prépondérants à jouer et leurs points communs sont supérieurs à leurs différences.
 

À qui s'adresse votre livre ?

Il s’adresse à tout le monde, car tout le monde est, ou devrait être intéressé par son destin individuel et collectif. Après, sur le fonds que sur la forme, les jeunes citoyens sont sans doute plus particulièrement visés.

Les jeunes qui ne votent plus ou peu, qui ne croient plus en la politique et dans les élites d’une manière générale, les jeunes dont on décide de l'avenir aujourd’hui doivent se réapporprier leur destin. Sauf qu’évidemment, l’accès au pouvoir leur est bloqué, pas qu’à eux mais à eux aussi. Pourtant, ce sont eux qui vont devoir vivre demain avec les choix que l’on choisit aujourd’hui. Nous sommes à un carrefour et des choix de société vont être faits pour plusieurs années voire plus.

Cela n’est pas pour rien que le roman est écrit à la 1ere personne du singulier, le je est ici un jeune homme de 29 ans, désabusé et apolitique qui va se rendre compte qu’il a lui aussi un rôle à jouer.
 

Vous imaginez une démocratie idéale. Est-ce une utopie ?

Dans le roman, le fil de la démocratie directe et participative a été tiré jusqu’au bout, en cela on peut dire que c’est une utopie. Personnellement, je crois que si on se projète dans des dizaines d’années, peut être une centaine (si ils a encore des êtres humains) cette forme de démocratie n’est pas si utopique.

Quoiqu’il en soit, un autre type de démocratie que celle que nous vivons actuellement est souhaitable. Et ce qui est sans doute nouveau, c’est qu’elle est possible, notamment grâce aux nouvelles technologies.
 

Qui se cache derrière M.Tuttle ?

Un citoyen qui a conscience du Monde que nous laissons à ceux qui nous suivent et qui ont trivialement plus de temps à passer que nous sur cette planète.
 

Découvrez des extraits sur le site de l'auteur.


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