Bad Wolf : quand trois auteurs réputés se lancent dans l’aventure de l’autoéditon

Audrey Alwett est une scénariste de BD réputée. Elle peut se targuer d'avoir vendu 250.000 livres, dont plus de 100.000 pour sa série Princesse Sara, éditée chez Soleil. Avec deux autres auteurs eux aussi auréolés de succès : Christophe Arleston (Lanfeust de Troy, Trolls de Troy) et Isabelle Bauthian (Alyssa), elle lance Bad Wolf, un label de romans de fantasy publiés en autoédition. Les trois premiers romans sortent le 1er juillet sur Amazon. Du jamais-vu dans le monde du livre.

Bonjour Audrey, avec Christophe Arleston et Isabelle Bauthian vous lancez Bad Wolf, « le label de la fantasy méchante et indépendante », sans éditeur, directement sur Amazon. Une initiative inédite dans le monde du livre.

Oui c’est la première fois que des auteurs professionnels lancent ensemble un label indépendant, sans éditeur, sans contraintes. Nous avons défini une ligne éditoriale : de la fantaisy sous toutes ses formes, mais destinée à un lectorat adulte et avec une grande exigence de qualité. C’est un genre souvent sous-estimé, qui est pourtant d’une richesse extraordinaire et qui demande beaucoup de travail à l’auteur pour mettre en place tous les codes d’un univers. Nous avons aussi créé une charte graphique forte pour les couvertures, avec une graphiste de talent : Gaëlle Merlini, et un logo réalisé par Pierô Lalune. Enfin nous mettons en commun la communication avec une page Facebook, un site web et un lancement groupé pour les trois romans.

Pour pimenter la lecture et titiller le lecteur, nous avons intégré des jeux littéraires dans les romans : trois jeux par livre et un autre qui court sur les trois romans. Le numérique est un support idéal pour ça. Les gagnants remporteront des albums de BD et des originaux de Didier Tarquin (Lanfeust) et de Jean-Louis Mourier (Trolls de Troy). Les jeux sont assez difficiles, mais on sait que les lecteurs sont souvent très malins !

Pourquoi avoir choisi l’autoédition ?

L’édition traditionnelle n’avance pas assez vite face aux opportunités qui se présentent, elle n’offre pas la même réactivité que le numérique et l’autoédition. J’ai publié 35 livres chez Soleil, et pourtant mon éditeur n’en a jamais lu aucun : il les accepte sur projet et ça lui suffit. Du coup, il n'a aucune envie de miser sur moi, il n'en voit pas l'intérêt.

Et puis, il faut savoir que dans la chaine du livre, l’auteur ne touche en moyenne que 10% du prix de vente. L’écriture des Poisons de Katharz m’a pris un an et demi, en édition traditionnelle j’aurais pu espérer tout au plus toucher 3 à 6.000 euros. C’est aberrant ! En choisissant l’autoédition, nous pouvons vendre les livres moins chers et être pourtant mieux rémunérés. Les titres sont vendus à 3,99 euros en numérique, c’est un prix qui permet de toucher un maximum de lecteurs. Et si l’expérience est un succès on pourra en écrire d’autres, faire venir de nouveaux auteurs dans le label. Certains sont déjà intéressés : avant même la parution des trois premiers, il y a déjà des romans qui se préparent pour la rentrée. C’est une expérience très excitante ! Il y a une énergie et une adrénaline dans cette aventure que je ne retrouve plus dans ma maison d'édition Soleil. On ne sait pas encore si le label sera un succès, mais quoi qu’il arrive c’est une initiative qui aura élargi nos horizons !

L’aspect rémunération a-t-il été déterminant dans le choix de l’autoédition ?

Bien sûr ! Sans les auteurs, aucun livre ne pourrait paraître, et pourtant ils sont les seuls dans la chaîne du livre à ne pas toucher un revenu suffisant pour vivre de leur œuvre. Et pour les femmes la situation est encore pire : on sait que les auteurs hommes sont payés en moyenne 52% de plus que les femmes. Par ailleurs, il est évident que si les femmes vendent moins que les hommes, c’est parce que les éditeurs misent moins sur elles : moins de promo, moins d’exemplaires mis en place dans les librairies… D’ailleurs les grands succès de femmes ont souvent été le fait du bouche à oreille : c’est ce qui s’est passé pour Anna Gavalda, pour Carole Martinez. Savez-vous que J.K. Rowling a signé de ses initiales parce que son agent lui a déconseillé d’indiquer son prénom pour que les lecteurs ne sachent pas qu’elle est une femme ? L’autoédition va peut-être permettre aux femmes de passer outre la misogynie qui règne dans le milieu de l’édition et de s’affirmer davantage. C’est un nouvel espace de liberté qui s’ouvre à tous les auteurs et je suis très heureuse d’en expérimenter certaines potentialités avec le lancement de Bad Wolf.


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