Le cahier de l'absence , un roman plein de tendresse, expliqué par Philippe Dubreuil

« La guerre tue les hommes et révèle les femmes » est la dernière phrase de ce roman construit autour de deux témoignages, celui de Georges et de Rose, son épouse.

Georges a été mobilisé en août 1914 en tant que spécialiste des réseaux téléphoniques et télégraphiques. Il travaille à l’arrière et dans les zones de combats. Dans ses lettres à son épouse il raconte son quotidien. Cette correspondance très personnelle, en italique dans le texte, livre le témoignage pertinent, critique, à la fois dramatique et plein d’humour, d’un civil au milieu de des militaires qui plastronnent et d’autres qui profitent d’une guerre vite devenue « ordinaire ».

Rose tient un carnet de notes personnelles qu’elle nomme son cahier d’absences. Elle y écrit comment elle reçoit les courriers de son époux, les évènements auxquels elle est confrontée et ses réflexions. Alors qu’avant la guerre, elle était une jeune bourgeoise très protégée par sa famille et son époux, elle va peu à peu découvrir la nécessité d’avoir une activité professionnelle et de prendre en charge le foyer familial. Un bel exemple de parcours initiatique et d’émancipation féminine.

Voilà une idée de votre lecture quand vous vous plongerez dans Le cahier de l'absence. Nous avons voulu savoir les petits secrets de ce roman épistolaire alors nous avons posé des questions à son auteur, Philippe Dubreuil.

Votre ouvrage Le cahier de l’absence retrace une correspondance entre George et Rose. Qui sont ces personnages pour vous ?

Il s’agit de mes grands-parents paternels chez qui j’ai passé une partie de mon enfance.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de nous faire part de leur histoire ?

Plusieurs raisons m’ont conduit à écrire ce livre. D’une part, au-delà de ce qui est raconté, j’avais noté la qualité de l’écriture des lettres que Georges envoie à son épouse et d’autre part sa vision originale de la guerre vue par un civil militarisé qui décrit les champs de bataille après les combats (et non pendant) et la vie à l’arrière des militaires et civils qui profitent de la guerre. J’avais par ailleurs noté que cette correspondance soutenue adressée à sa seule épouse laissait percevoir une évolution de l’auteur dans ses comportements et réflexions. Il y avait donc là une histoire et ma grand-mère Rose y était forcément associée. C’était d’ailleurs le meilleur hommage que je pouvais rendre à l’un comme à l’autre que de replacer ces lettres dans l’histoire de l’évolution de leur couple tout au long de ces années de guerre.

Comment avez-vous procédé dans l’écriture de ce roman ?

A partir des lettres de Georges, au fil de leur chronologie, j’ai imaginé comment ma grand-mère avait pu recevoir ces lettres, ses sentiments, ses angoisses, ses réflexions, ses révoltes … et la façon dont elle avait pu les surmonter. Au-delà c’était rechercher comment cette femme, jeune bourgeoise très entourée par sa famille et son époux, avait pu évoluer, se révéler à elle-même, inscrire l’histoire de cette guerre dans celle de l’amour des siens, et, selon sa propre expression « mériter ses jours » dans le contexte difficile et brouillon de la Grande Guerre. D’où la phrase finale : La guerre tue les hommes et révèle les femmes ».

Y a-t-il une part de fiction dans votre livre ?

Toutes les lettres de Georges sont authentiques. J’en détiens les originaux. Toute la partie du carnet de notes personnelles de Rose (et qu’elle nomme Le cahier de l’absence) a été imaginée. Ceci dit, je peux certifier que l’on retrouve à la fin du livre la même Rose qu’enfant j’ai connue.

Parlons de vous : depuis quand écrivez-vous ? Comment vous est venue l’envie d’écrire ?

J’ai éprouvé du plaisir à écrire vers 50 ans, des textes plus ou moins inventés mais toujours d’inspiration familiale. Je gardais pour moi ces écrits et ne les ai communiqués qu’à ma famille très proche. A la retraite (j’étais cadre dans l’industrie) j’ai décidé de reprendre des études de lettres classiques que j’ai conclue par une thèse de doctorat sur Les injures et insultes dans la littérature latine (cette thèse a été publiée chez L’Harmattan sous le titre Le marché aux injures à Rome). J’ai donné par la suite une série de conférences sur l’histoire romaine que j’ai rassemblées sous le titre Rome c’était hier. Par ailleurs j’ai continué à écrire des nouvelles dont certaines ont été primées et des textes d’émotion. Le cahier de l’absence est mon premier roman.

Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

Oui mais je préfère n’en parler que lorsque cela sera un peu plus avancé.

Un écrivain qui vous a inspiré ?

Je lis beaucoup et j’apprécie en France JMG Le Clezio, Jean Echenoz, Marie Hélène Lafon, Laurent Binet, Maylis de Kerangal … et de nombreux autres. Parmi les auteurs étrangers, je peux citer entre autres Alessandro Barrico, Jon Kalmman Stefanson, Jaume Cabré.

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