Interview de Sadok Ben Ammar, auteur de One Message

Sadok Ben Ammar nous fait part de ses ressentis, de son parcours, du message qu'il veut faire passer à travers son livre One Message...

                                    

Pouvez-vous résumer votre livre en quelques phrases ?

One Message est un appel à l'action. C'est un appel pour une initiative populaire Nord-Sud dont l'objet est de constituer un réseau d'influence auprès des décideurs du Nord et du Sud. One Message est un appel à l'action en vue d'une solution humaine au drame des réfugiés climatiques Parce que chacun de nous a le pouvoir d'agir. Vous en avez surement déjà entendu parler : à l'horizon 2050, les instances internationales prévoient une centaine de millions de migrants sur le continent africain. Pour donner une idée, 100 millions de personnes, c'est plus de 3 fois le nombre des déplacés de la seconde guerre mondiale. Pour éviter que les migrants ne traversent la Méditerranée pour venir se réfugier en Europe, l'Union Européenne envisage de créer des centres logistiques ou hot spot sur le sol africain. En clair, cela veut dire la création de camps dans des pays d'Afrique pour sous-traiter la détention de gens qui seront triés par des policiers et des militaires européens, sans pour autant avoir fait de mal, si ce n'est d'essayer de survivre ailleurs, parce que les conditions climatiques ne leur permettront plus de vivre décemment chez eux.

Il existe une alternative à l'utilisation de la force, à la détention pour sédentariser les populations africaines : mettre en place les conditions favorables pour un développement économique rapide et pour tous sur le continent africain. Est-ce qu'il s'agit d’une chimère ? Non, cela pourrait se faire en profitant du potentiel considérable du Sahara africain en matière d'énergie solaire. Des études montrent qu'exploiter une petite partie du Sahara en panneaux solaires permettrait de fournir une énergie propre à l'ensemble de la planète.

Pourquoi est-ce que je parle d'énergie ? Parce que les questions d'émigration et de sécurité sont liées à celles du développement économique, qui lui-même est tributaire de l'énergie. Toutes celles et ceux qui ont eu la chance de voyager en Afrique subsaharienne savent que les problèmes de délestages sont fréquents dans de très nombreux pays. Or, comment industrialiser des économies dans de telles conditions ? et aussi, comment espérer sédentariser une population jeune sans perspective d’avenir ?

L’alternative serait de greffer un programme de développement économique inclusif en marge du projet énergétique. Un tel programme aurait pour objet de permettre aux populations de demeurer chez elles, en rendant ce choix non seulement réalisable, mais aussi attractif pour elles. Un tel programme ferait d'une pierre deux coups : sédentariser les populations et accélérer la transition énergétique de la planète.

Cependant, il n'existe à ce jour aucun projet de ce type dans les agendas politiques. Bien au contraire, le pessimisme semble à son comble et les médias du monde ne cessent de ressasser des scénarios catastrophes. Il revient donc aux peuples du Nord et du Sud de se mobiliser et de montrer du doigt cette alternative formidable à leurs dirigeants. Mieux encore, il leur revient d’intimer l'ordre à leurs dirigeants de choisir entre la vie et le chaos. Mais comment rendre possible une telle mobilisation salutaire, voilà tout le propos de One Message.

Car, à défaut, en concentrant ses efforts à défendre sa souveraineté et son identité, l’Europe perdra de vue l’unité et la sécurité qu’elle avait cru défendre, parce que celles-ci ne peuvent résulter que d’une politique régionale et d’une négociation élargie et généreuse. Il semble difficile de limiter les flux migratoires africains sans un ambitieux programme de développement inclusif à l’échelle de la région qui permette une réduction des inégalités et de leurs causes.

A défaut d’une vision d’ensemble, chaque nation sera conduite à vivre un dangereux paradoxe : plus la sécurité sera recherchée, plus le niveau d’insécurité s’accroîtra ; plus les libertés individuelles seront menacées, et plus l’incontrôlable surgira sans crier gare.

One Message défend un altruisme rationnel : aider son prochain pour s’aider soi-même dans une vision de moyen et de long terme. Cette vision se projette dans le temps et défend la liberté, la sécurité et le droit au développement des générations à venir.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de la thématique de votre livre ? (précisez la thématique en quelques mots)

La thématique principale est celle des migrations climatiques sur le continent africain. Si l’on ne fait rien, celles-ci vont occasionner l’une des pires tragédies du XXI siècle. La spiritualité universelle à établir constitue la seconde thématique de l’essai. Qu’est-ce que vient faire la spiritualité avec les questions économiques, écologiques et de sécurité des frontières ?

C’est parce que la logique économique pure est insuffisante à elle seule pour susciter l’enthousiasme et lever les freins à une telle mobilisation populaire. Car, en dépit du bon sens et de la nécessité de l’action, comment dépasser le cloisonnement érigé par les cultures, les croyances et les préjugés ?

Comment rapprocher les peuples du Nord majoritairement catholiques et laïcs avec les peuples du Sud à majorité musulmane ? Pour dépasser la difficulté, il faudra faire preuve d’une audace encore plus grande, une audace à la hauteur des enjeux. Le véritable changement vient du passage d’un niveau logique à un niveau immédiatement supérieur par une sorte de saut, de discontinuité ou de transformation. L’ampleur de la menace qui pèse requiert un sursaut en faveur d’une raison pure augmentée, une raison supérieure faite certes de rationalité, mais aussi de sensibilité et d’amour. Cette spiritualité universelle pourrait être contenue dans un socle spirituel commun de l'humanité. Que l’on soit Chrétien, Juif, Musulman, adepte des spiritualités orientales ou encore humaniste, aucune de ces croyances ne tolère l’inhumain et la barbarie.

Ce socle commun fonderait le contrat moral passé entre des hommes et des femmes libres et responsables, du Nord et du Sud, pour se dégager ensemble de la trappe de violence dans laquelle ils se sont laissé aspirer et avancer ensemble vers la lumière.

De manière plus concrète et pragmatique, l’interrogation porte sur le regard que l’on adresse à la terre et aux autres : un regard de surexploitation et de domination ou bien de coopération et d'entraide ? Accepte-t-on de laisser faire et, dans ce cas, de prendre le risque du chaos, de transformer la mer Méditerranée en mer de sang et demain le Sahara en immense tombeau à ciel ouvert ou bien l'on s'érige contre l'inhumain et la barbarie qui enveloppe peu à peu le monde de sa brume sombre et inquiétant et, dans ce second cas, on décide d'agir.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

L’urgence de la situation. Rien n’est prévu pour éviter une situation de chaos calculable, et donc attendue ; rien n’est prévu hormis des centres logistiques ou des hot spot qui deviendront de véritables générateurs de colères et de violences à ciel ouvert.

Etant donné les flux à venir de migrants climatiques, ce qu’il risque de se passer, c’est de voir les hot spot se transformer en camps insalubres où la dignité humaine ne sera pas respectée. Ce qu’il risque donc de se produire, c’est une montée des colères, qui se traduiront en violences en Afrique du Nord puis en Méditerranée. D’un autre côté, l’alternative proposée ne peut être mise en oeuvre à la dernière minute, d’où l’importance d’agir, maintenant !

Quel message avez-vous envie de faire passer à travers votre livre ?

Un message d’optimisme. D’autres plans sont possibles. La détention et le refoulement aux frontières représentent des choix, pas une fatalité. Dans l’écrasante majorité des cas quand un migrant quitte son pays, ce n’est pas pour faire du tourisme ou parce qu’il pense qu’il va gagner plus ailleurs, dans l’écrasante majorité des cas cela se passe parce qu’il n’a plus rien à perdre et il prend le risque de mourir en mer parce qu’il est, quelque part, déjà mort chez lui. Produire de l’énergie verte dans le sahara devient de plus en plus viable. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le coût du kwh d’énergie renouvelable égalera celui des énergies fossiles à compter de 2020, et les courbes s’inverseront au-delà. Il est nécessaire de sortir du catastrophisme ambiant qui pousse les individus à prendre peur et à se refermer sur soi, à s’isoler et à se côtoyer sans se regarder. Les breaking news du monde ne servent malheureusement qu’à nourrir des anxiétés qui enferment dans une trappe. Dans cette cave-là, la lumière du jour transparaît peu et dans la pénombre les lividités sont criardes. Il est plus que nécessaire d’en sortir. Les peuples du Nord et du Sud seront très certainement les grands perdants d’une situation de chaos. D’un autre côté, ni les peuples du Nord ni ceux du Sud ne disposent à eux seuls du pouvoir d’influence suffisant. Cependant, étant donné la densité de population concernée et les intérêts économiques en jeu, ensemble ils ont la capacité de créer cette nécessaire discontinuité. La solution se trouve donc dans une alliance Nord-Sud inédite, une alliance de peuples devenus capables de raison supérieure, d’une raison augmentée faite de rationalité, de sensibilité et d’amour. Le premier combat à mener est en soi. Faisons ici un clin d’oeil au grand inquisiteur de Dostoïevski, et donnons-lui tort !

Y a-t-il une dimension autobiographique dans votre livre ?

Non.

À qui s’adresse votre livre ?

A toutes celles et ceux que les questions d’actualités intéressent.

Une bonne raison de lire votre livre ?

Oui, ne surtout pas céder au catastrophisme ambiant !

Pourquoi avez-vous choisi l’autoédition ?

Parce que c’est plus simple et plus direct.

Quels conseils donneriez-vous à un auteur qui rêve d’écrire un livre mais n’a jamais osé se lancer ?

Oser !


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