Belleville Shanghai express: amours contrariées et quête de liberté

Bonjour Philippe Lafitte,

Belleville Shanghai Express est votre cinquième roman, il est publié aux éditions Grasset. On y croise un jeune photographe autodidacte et une jolie chinoise un peu naïve, dont les amours vont être contrariées par le père de Line, un homme d’affaire influent, et son cousin, une petite crapule qui parade dans sa Porsche Cayenne. Cette intrigue nous emmène dans une passionnante balade entre le quartier chinois de Belleville et le monde clinquant de Shanghai. Comment avez-vous eu l’idée de placer votre intrigue dans cet univers bien particulier ?

C’est en fait parti de rencontres fortuites. On m’a parlé des gens d’origine chinoise qui se sont installés en France depuis très longtemps, parfois depuis la guerre de 14. J’ai fait des recherches, et de fil en aiguille a germé une idée d’histoire qui a fait son chemin. Ensuite je me suis focalisé sur une sorte de remake de Roméo et Juliette avec des gens d’aujourd’hui, des gens de la génération Y, qui ont entre 20 et 25 ans. Ça m’a permis de me focaliser sur Belleville, qui est un quartier où je vais souvent. C’est un quartier très multicolore, très multiethnique, mais aussi un quartier très complexe. Il n’y a pas une communauté asiatique : il y a toutes sortes de communautés différentes. Je me suis rendu compte qu’il y avait ici matière à raconter une histoire de passion amoureuse contrariée par des familles qui se détestent, ce qui rejoint le thème shakespearien de Roméo et Juliette.

Vincent voit Belleville travers son regard de photographe, ses cadrages. On sent que vous êtes, vous aussi, passionné par la photo.

Oui j’aime beaucoup la photo, j’en fait moi aussi, sans être professionnel : je m’intéresse à l’esthétique photographique. Or Belleville est un quartier très particulier, c’est un des plus beaux quartiers populaires de Paris, un endroit extrêmement photogénique. J’ai fait des repérages, des photos - qui restent des clichés d’amateur - mais ça a nourri ma façon de décrire les lieux, de penser aux cadrages, à la manière dont Vincent voit son propre quartier.

Vous êtes romancier mais aussi scénariste, cela influe sur votre façon de travailler vos intrigues ?

Au fur et à mesure de mon évolution dans ce nouveau métier de scénariste, je me rends compte du fait que c’est un autre regard sur l’écriture, différent, mais complémentaire du roman. Ca n’influe pas sur l’écriture elle–même, mais certainement sur la structure du récit. Il y a une dimension narrative qui fait que dans le scénario on essaie de créer des sous-intrigues, de travailler le passé et la personnalité des personnages de manière assez fouillée, ce qui permet de nourrir le récit. La pratique du scénario m’a probablement aidé et influe, d’une certaine manière, depuis quelques livres, sur ma manière de raconter des histoires.

Vincent est un jeune métis qui n’a pas connu son père et recherche ses origines, c’est un thème qui vous passionne ?

Oui, cette quête des origines est un thème qui revient dans un certain nombre de mes romans. C’est une thématique qui m’intéresse, qui probablement me préoccupe. Il est vrai que la quête des origines de Vincent est une des lignes directrice du livre. Parce qu’il a perdu son père alors qu’il avait à peine 12 mois, il a très peu de souvenirs de ce père, qui est une sorte d’image un peu fantomatique. Sa recherche sur ce père disparu est très importante dans l’intrigue, puisqu’on apprend – sans dévoiler l’histoire- que la haine qui sépare les familles est liée à la mort de son père. Et puis une quête, c’est quelque chose qui permet de tenir une tension, de nourrir le récit. Même chose pour Line, le deuxième personnage : elle de son côté, est plutôt en quête d’émancipation. Tous deux, finalement, recherchent une forme de liberté.

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