Quels sont les revenus des auteurs ? Peut-on vivre de ses livres ? A partir de combien d'exemplaires peut-on considérer que son roman est un succès ? A quoi s'attendre dans un contrat d'un éditeur ?
Retour sur plusieurs questions que se posent des auteurs débutants, avec des chiffres officiels provenant de France et du Royaume-Uni, et quelques exemples, qui apportent des réponses à un sujet souvent tabou dans le monde du livre, qui n'aime pas beaucoup parler d'argent...
Illustration en haut de page (c) Loïc Mehée
Sources : Scam & SGDL, 6ème baromètre des relations Auteurs/Editeurs & le site spécialié Industriesculturelles.com
Quelle rémunération pour les auteurs ?
Selon la SGDL et la SCAM, qui ont interrogé 1 800 auteurs pour faire un état des lieux du marché, le taux de rémunération en droits d’auteur est faible: 19% des auteurs sont rémunérés à un taux inférieur à 5% du prix HT du livre, 50% des auteurs entre 5 et 10%, 23% touchent 10% de ce prix et seulement 7% touchent plus. Dans un contrat classique, la règle est généralement de payer un auteur 8% de droits jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, 10% entre 10 000 et 20 000 exemplaires et 12% au-dessus, 10/12/14% si vous avez un peu plus de chance. Ce qui signifie entre 1 et 1,5€ pour chaque livre vendu en grand format.
Sur le poche les droits d'auteurs descendent autour de 5%, sur un prix de vente plus faible, donc l'auteur touchera plutôt 30 à 40 centimes par livre. Les auteurs jeunesse ou BD sont aussi sur des taux similaires, car il faut payer à la fois le scénariste et l'illustrateur (et éventuellement un coloriste). En BD, le taux se répartit généralement à 50/50 entre le scénariste et le dessinateur, et 45/45 + 10% pour le coloriste quand il y en a un. En janvier 2017, au dernier salon d’Angoulême, l’association des Etats généraux de la BD a d’ailleurs divulgué les résultats de son enquête annuelle, montrant que 53% des répondants ont un revenu inférieur au Smic annuel brut, dont 36% qui sont en dessous du seuil de pauvreté (et c’est pire pour les femmes !)
Il faut savoir qu’une vente moyenne d’un roman en France est (tous éditeurs confondus) autour de 350 livres, chiffre un peu supérieur cependant chez les grands éditeurs. A partir de 1 000 exemplaires, vous pouvez être heureux, à 5 000 c’est le succès, vous pouvez envisager une édition en poche. Vous avez alors gagné 5 000€. Très peu de livres dépassent les 50 000 exemplaires vendus, ce sont les chiffres de livres ayant gagné des prix littéraires. Ainsi la rentrée de l’automne 2016 a été dominée par Riquet à la houppe, d’Amélie Nothomb, et le palmarès 2016 est largement composé d’auteurs confirmés et habitués des rentrées littéraires. Il intègre toutefois deux nouveaux venus : le primo romancier Gaël Faye et Leila Slimani, dont Chanson douce est le deuxième roman Il faut savoir que si les chiffres varient d'année en année, le Goncourt fait vendre en moyenne 395 000 exemplaires des romans qu'il prime !
(c) Clothilde Delacroix
Être auteur, un travail à temps partiel ?
Seuls 2 580 écrivains sont affiliés à l’AGESSA, la sécurité sociale des auteurs (ainsi que 1 724 illustrateurs et 1 144 traducteurs ) et il faut pour cela gagner 8400€ par an. Sachant qu'il y a 80 000 nouveaux livres publiés par an, cela semble faible.
L’étude Scam/SGDL montre que seulement 30% des auteurs exercent leur activité à temps plein et 70% ont un autre métier. Les droits d'auteur sur leurs écrits représentent pour 65% des auteurs interrogés moins de 25% de leurs revenus. On devient auteur par vocation, pas pour appât du gain, car il semble quasiment impossible de vivre de sa plume, à moins d’avoir entre ses mains la perle rare qui touchera des millions de lecteurs et attirera les scénaristes d’Hollywood. Cela reste possible, chaque année révèle de nouveaux auteurs stars (Joël Dicker, Delphine de Vigan, Michel Bussi…). Les plus grands vendeurs sont connus : le magazine Capital a ainsi révélé dans son numéro de mars 2017 que Guillaume Musso avait écoulé 1,8 millions d’exemplaires en 2016 avec des droits d’auteur record de18% par grand format et estimé ses revenus à 2,8 millions d’euros, suivi de près par Marc Lévy (1,7 million et Michel Bussi (1,4 million). Etre connu ne garantit cependant rien, 2 exemples dans le domaine politique : Jean-Pierre Raffarin n’a vendu que 355 exemplaires de son livre paru en 2007 et Martine Aubry 879 exemplaires de son livre en 2006.
Les à-valoirs
La moitié (49%) des auteurs touchent systématiquement des à-valoirs, 22% jamais. Les montants sont en baisse, les 3/4 des à-valoirs ne dépassant pas 3 000€. Pour 38% des auteurs, le dernier à-valoir était en-dessous de 1500€. Un à-valoir est une avance sur les droits d'auteur à venir, pas un montant additionnel, l'auteur ne commencera à toucher des droits d'auteur que lorsque ceux-ci auront dépassé le montant de l'à-valoir.
Évidemment, pour des stars ou en cas de transfert d'un éditeur à l'autre, ces montants peuvent monter à plusieurs centaines de milliers d’euros : Christine Angot aurait touché du Seuil 220 000€ pour un roman.
Se faire payer
Après avoir vendu ses livres, l’enjeu est de se faire payer, et ce n’est pas toujours si simple… En 2014, la moitié des auteurs n’ont pas reçu des redditions de comptes de tous leurs éditeurs, et près de 72% n’ont pas été payés par tous. Seulement 13% des auteurs reçoivent des redditions claires de tous leurs éditeurs et un auteur sur cinq doit écrire (parfois plusieurs fois) à son éditeur pour otbenir ses redditions. Sachant que elles-ci ont généralement lieu une fois par an, quand vous finissez par être payés, c’est souvent un an après la sortie de votre livre... et ça ne coule pas de source pour tout le monde.
Et le numérique ?
Pour le numérique, la situation n’est pas meilleure, près de 60% des auteurs touchent moins de 10% du prix public de vente et 27% touchent moins de 5%. Ce qui est très différent de la situation dans les pays anglo-saxons (cf l’étude sur le Royaume-Uni ci-dessous), la plupart des éditeurs français ne s’étant pas encore adaptés à la nouvelle donne de l’ebook. C’est différent chez les éditeurs purement numériques (Publie.net, StoryLab...) où vous toucherez généralement des droits d’auteur entre 25 et 30%.
Les éditeurs ne proposent pas tous une clause d’exploitation numérique. Seuls 66% des contrats la proposaient en 2014, ce qui prouve le manque de compréhension du marché et de vision de nombre d'entre eux. Ils n’avancent non plus pas très vite dans la numérisation du fond : 36% des auteurs se sont vus proposer par leurs éditeurs un avenant numérique sur leurs précédents livres (75% l’ont signé).
Hors de France, le cas du marché anglais.
L’ALCS, qui représente les auteurs en Grande Bretagne, a fait il y a deux ans une grande étude sur l’évolution de leurs revenus depuis 2005. Il en ressort que, s’ils sont restés globalement stables en valeur, ils sont en baisse en réel (en intégrant l’inflation). Un auteur professionnel gagnait en moyenne £28 577 (environ 39 000€) en 2013 pour £35 511 en 2005 (soit une baisse de 20%). Si on considère le revenu median plutôt que la moyenne (le montant qui est au point d’équilibre où 50% des auteurs gagent moins et 50% gagnent plus, ce qui permet de neutraliser les effets des bestsellers), le montant est passé de £15 450 à £11 000 (environ 15 000€), soit une baisse de 28%. Pour tous les auteurs, ceux qui ont écrit un livre mais qui ne sont pas des auteurs "professionnels", le revenu médian a lui aussi baissé de 20%, de £5 012 à £4 000 (environ 5 500€).
On constate une forte concentration sur quelques têtes d’affiche : le top 5% des auteurs touche 42,3% des revenus totaux, les 50% "inférieurs" (revenus de moins de £10 432) seulement 7%. A noter que 17% des auteurs n’ont eu aucun droit d'auteur en 2013 et que 88,5% des auteurs ont d’autres sources de revenu.
Le taux de royalties est en moyenne autour de 8 ou 9% sur les livres papier, avec environ 40% des auteurs étant payés sur le prix de vente final et 60% sur le revenu net de la commission des libraires. Sur les ebooks, le taux est autour de 20% pour monter à presque 35% sur les formules de prêt. C'est une des différences avec la France, où ces taux n'ont pas encore été revus à la hausse.
Sur leurs contrats, presque 60% des auteurs ont des contrats avec la possibilité de récupérer leurs droits. 38% de ces auteurs l’ont déjà exercée, et pour 70% d’entre eux, cela leur a permis d’avoir plus de revenus par la suite. Une autre différence avec la France, 42% des auteurs professionnels font appel à un agent pour défendre leurs droits (26,2% de l’ensemble des auteurs). La commission payée aux agents est généralement entre 13 et 15% des revenus de l'auteur.
Pour conclure...
Toujours motivé(e) pour écrire un livre? C'est un long parcours du combattant, même une fois le livre édité comme le montrent ces diverses études. Mais après tout, ce n’est pas très nouveau : de Saint Exupéry l’aviateur à Kafka l’inspecteur des assurances, en passant par Romain Gary le diplomate, la plupart des grands auteurs avaient un autre métier, qui a souvent façonné leur personnalité et nourri leur œuvre.