Interview de Valentin Martinie, l'auteur de Figures de styles : De La Fontaine à Booba

Plusieurs mois se sont écoulés depuis la sortie de Figure de style : De La Fontaine à Booba, livre autopublié par Valentin Martinie avec Iggybook. C'est à cette occasion que nous avons voulu connaître davantage les intentions de l'auteur vis à vis du contenu de son ouvrage, mais aussi par rapport à son mode de distribution.

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Après le succès de ma pièce De La Fontaine à Booba (qui se joue encore à Paris), j’ai voulu prolonger le dialogue entre rap et poésie « classique » avec un petit ouvrage. La question des figures de style est souvent effleurée pour parler du style des rappeurs, sans que le sujet soit vraiment approfondi. Et c’est dommage, car de nombreux textes ont un véritable intérêt littéraire, soit parce qu’ils reprennent des procédés d’écriture tout à fait classiques (par exemple, la rime, qui existe depuis l’invention de la poésie), soit parce qu’ils innovent (le verlan permet de créer de nouveaux mots et de multiplier le nombre de rimes potentiel). En cela, il y a comme un mouvement « Oulipop » : le hip-hop et ses nombreuses déclinaisons constituent un « ouvroir de littérature potentielle », qui déborde largement le cadre étriqué de l’harmonie classique (alexandrins, hémistiches, rimes riches…) et joue plus librement avec le langage. Sans compter les instrumentales toujours plus variées (écoutez par exemple le dernier album de Jazzy Bazz) qui accompagnent les paroles et leur donnent des couleurs originales. Bref, toutes ces observations ne pouvaient pas tenir dans un spectacle d’une heure quinze, et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce bouquin.

Quel message avez-vous envie de faire passer à travers votre livre ?

Je me suis contenté de traiter les chansons de rap comme un objet culturel quelconque. Il ne s’agit pas ici de dire que tel genre artistique est mieux qu’un autre, que telle époque en vaut bien une autre, mais tout simplement d’initier un dialogue intergénérationnel. C’est le sens de ma « Lettre à Eric Zemmour » qui se trouve en préface : il est à mon sens imbécile (et contre-productif) de traiter des nouveautés par le mépris, et de se contenter d’un jugement caricatural. Dans n’importe quel domaine, à force de creuser un peu, on trouve toujours quelque chose d’intéressant. J’espère que les jeunes trouveront dans la partie « Classique » des nouvelles envies de lecture, et que certains textes de rap trouveront grâce aux yeux des moins jeunes !

Vous avez intégré des exercices à votre œuvre, à qui s’adresse votre livre ?

Le livre s’adresse d’abord à tous les amateurs de mots. Mais j’ai voulu faire un ouvrage ludique et pédagogique pour qu’il profite aux lycéens qui préparent le bac de Français.

Quel est votre rapport à Jean de la Fontaine ? Pourquoi Booba plutôt qu’un autre ?

J’ai redécouvert La Fontaine en prenant des cours de théâtre chez Jean-Laurent Cochet (qui fut le professeur de Fabrice Luchini). Dans son cours, en première année, on apprenait à jouer la comédie en « disant » des fables, qu’il ne fallait surtout pas « réciter » comme en primaire ! Avant de monter sur le plateau, il fallait d’abord faire tout un travail de réappropriation du texte. Un travail technique, bien sûr, pour faire comprendre cette langue du XVIIème au public, mais il fallait aussi s’imaginer une situation d’énonciation : « où suis-je ? à qui je parle ? pourquoi je lui raconte ça ? »… Dès lors, la fable devenait une petite histoire qu’on racontait dans un contexte précis et à un interlocuteur bien réel afin de lui faire passer un vrai message. Exemple : « Ecoute, Michel, arrête de te plaindre des humiliations que te fait subir ton patron et démissionne, parce que la raison du plus fort est toujours la meilleure… Franchement, tu me fais penser à cet agneau qui se désaltérait dans le courant d’une onde pure… etc. » Et, à force de travailler des fables de La Fontaine, j’ai eu assez de matériau pour écrire un premier spectacle, Dialogue à Fables, où deux personnages se répondaient à coups de fables classiques et contemporaines. Puis,  quand j’ai eu envie d’élargir la discussion à la poésie, et de parler de rap, la pièce est devenue De La Fontaine à Booba. Bon, La Fontaine, vous avez compris d’où ça vient… Et puis, c’est aussi le premier poète qu’on rencontre à l’école. Quant à Booba, je l’ai choisi à moitié par provocation, parce qu’il a un côté caricatural, violent, machiste, matérialiste et vulgaire, qui est souvent présenté dans les médias comme l’image-même du rappeur. Mais ses premières chansons ont vraiment quelque chose de novateur : sa manière très libre et musical de poser le texte sur le rythme, sa façon de mâcher les mots, ses images… Voilà, c’est un personnage ambigu. Tout comme La Fontaine, qui ne s’est pas contenté d’écrire des petites histoires avec des animaux, et qui était aussi un sacré chaud lapin… Il n’y a qu’à lire ses contes libertins pour s’en apercevoir !

Pourquoi avez-vous choisi l’autoédition ?

La seule raison qui m’a poussé à choisir l’auto-édition, c’est le prix de vente. C’était la seule façon pour moi d’arriver à rendre le livre accessible. Si j’étais passé par un éditeur, les frais intermédiaires auraient gonflé le prix du bouquin.

Comment gérez-vous la promotion de votre livre ?

A la bonne franquette… C’est le gros inconvénient de l’auto-édition : l’auteur est son seul agent commercial. Et, une fois qu’on a prévenu la famille et les amis, il faut encore contacter des journalistes, des libraires, et tenter de trouver des lecteurs… C’est vraiment du porte-à-porte. Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir un peu de presse, mais l’intérêt retombe en quelques heures… Alors, je fais régulièrement un peu de pub sur les « réseaux » (mon blog, Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn), en essayant de n’être pas trop rébarbatif…

Quels sont vos prochains projets d’écriture ?

Le sujet qui m’intéresse en ce moment, c’est l’écologie. Peut-être que ça fera bientôt un bouquin !

Que vous a apporté votre expérience d’écriture ?

Tenir dans vos mains un petit livre que vous avez mis des mois à écrire, c’est un peu comme tenir un nouveau-né dans ses bras ! Mais avant l’accouchement, il y a la difficile gestation… Et, pour moi, qui ai tendance à m’éparpiller, le format simple du livre (1 page = 1 figure de style, avec 1 exemple « classique » et 1 exemple « rapologique ») a grandement facilité le travail ! Une fois qu’on a son cadre, il n’y a plus qu’à remplir ! (Enfin, c’est ce qu’on se dit avant de commencer à remplir !) (Rires).

Un grand merci à l'auteur pour s'être prêté à l'exercice !

> Pour en savoir plus sur Valentin Martinie

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